Il avait voyagé dans de nombreuses contrées éloignées, vécu mille et une aventure, entendu les histoires les plus invraisemblables. Son but ultime était de recenser les récits les plus farfelus et les plus recherchés et devenir ainsi le meilleur conteur de tous les temps. Il prisait particulièrement les racontages de fond de tavernes au cœur de petits villages peu connus, où le petit peuple se confiait facilement, influencé par le doux nectar ambré.
Cette fois-ci, après plusieurs jours d’errance, ses pas l’avaient mené dans le village de Carillon, petit patelin rempli de gnomes tous plus excentriques les uns des autres. Autrement dit, un endroit de rêve pour le conteur. Bien accoudé dans la coquette auberge du coin, sirotant son eau de vie après un copieux repas, il restait à l’affut d’anecdotes passantes. Il porta son attention à une discussion particulièrement vivante d’un groupe placé à quelques tables de lui : Un barbu échevelé, une jeune dame très colorée aux courts cheveux orangés et une ronde qui parlait plus fort que les deux autres !
LA RONDE : Te souviens-tu de la fois où elle s’en est prise au gros boss ?
LE BARBU : Oh que oui ma tite dame ! Sa bonne femme dit qu’y en a faite des cauchemars pour des semaines ! Il gueulait pis se réveillait tout trempe !
L’ARC-EN-CIEL : La tête qu’il avait pendant que Baltha lui criait sa façon de penser !
LA RONDE : Elle avait quand même pas tort la puce ! Elle avait prédit que les loups viendraient ravager le poulailler cette nuit là. Il ne l’a pas écouté. Ce n’était pas la première fois qu’elle parlait d’un de ses rêves qui devenait réel…
LE BARBU : A l’a eu ben du front de chiâler de même au maire ! Elle qu’était si douce… ben, souvent là…
L’ARC-EN-CIEL : Ouais, souvent comme tu dis ! Mais on ne pouvait jamais savoir comment elle allait réagir. Parfois on ne pouvait rien lui dire sans qu’elle saute dans les airs, parfois elle n’avait aucune réaction.
LA RONDE : Et qu’elle énergie ! Elle bougeait tout le temps, grimpait partout, touchait à tout ! Son grand-père disait qu’elle pouvait oublier de dormir !
L’ARC-EN-CIEL : Et pourtant je l’ai déjà vu observer une fleur durant des heures, sans bouger, respirant à peine !
LA RONDE : Ses parents, ils leur sont arrivés quoi ?
LE BARBU : Raides morts, la nuit qu’est née… On sait pas ce qui est arrivé. Pas de traces sur les grands, mais ben des marques sur la mini. Elle était toute seule à brailler dans maison. C’est Adémas, le grand-père qui s’en est occupée. Bah, y’a faite ce qu’y a pu…
L’ARC-EN-CIEL : Vous savez où elle allait quand elle disparaissait plusieurs jours ?
LA RONDE : Nop ! Surement dans un trou quelque part dans le fond du bois. Elle disait aller se ressourcer pour tenter de trouver qui elle était et d’où elle venait…
LE BARBU : Ouf ! Pas facile ça… même les grands sages ont bûché sur son cas. Personne a compris d’où c’qu’à prenait ses pouvoirs…
Petit moment de silence ...
L’ARC-EN-CIEL : Vous croyez qu’elle reviendra ?
LA RONDE : Aucune idée ! Avec les traces de lutte qu’on a découvert, elle doit être rendue loin…
LE BARBU : Moi je dis qu’un ours l’a bouffée !
LA RONDE : Mais non ! C’était pas des empreintes d’ours ! Et en plus y’avait pas de sang.
Le barde sorti le livre de son sac et commença à griffonner. Cette discussion l’inspirait. Avec quelques enjolivements de son cru, il pourrait en faire un conte sympa à raconter aux enfants qui s’aventurent trop loin dans les bois.